L'exploitation agricole dans notre cour arrière

 

La semaine passée, j'abordais un sujet délicat et tabou sur les réseaux sociaux. J'ai hésité avant d'en parler, surtout de la façon dont j'ai décidé de le faire (une longue vidéo), en pensant que ça s'éloignait passablement du genre de contenu que je vous propose normalement et que de toute façon, les longues vidéos, ce n'est pas le truc de tout le monde.

À ma grande surprise, vous êtes déjà plus de 2000 personnes à avoir écouté cette vidéo publiée sur le compte Instagram de Laumara.

J'ai donc décidé d'en faire une version écrite pour laisser des traces du sujet abordé et donné la chance à ceux pour qui c'est plus redondant d'écouter une vidéo, d'avoir accès à ce que j'ai décidé de partager. 

On plonge dans le vif du sujet? 

Les conditions de travail des agriculteurs de chez nous. 

Oui, normalement je vous parle directement de ce qui est en lien avec la mode. Et donc, ça m'amène souvent à vous parler de ce qui se passe ailleurs dans le monde. J'ai ressenti par le passé un certain intérêt pour le sujet, mais j'ai constaté la semaine passée que lorsqu'on parle de ce qui se passe chez nous, ici, c'est tellement plus facile de se sentir interpellé et engagé. 

Il y a quelques semaines, un agriculteur de ma région s'est enlevé la vie. 

C'est un, un autre, un de plus. 

Selon le site du gouvernement du Québec, en 2022 le taux de suicide était de 18,4 par 100 000 habitants, ce qui nous classerait au 17e rang mondial si le Québec était un pays (comparons des pommes avec des pommes). Nous faisons partie des nations ayant le plus haut taux de suicide au monde. 

Quand on prend la frange des agriculteurs seulement, on multiplie ce chiffre par deux. (1)

Oui, par deux. 

Mon objectif principal, en mentionnant ceci, est de mettre notre attention à un endroit bien précis: l'agriculture est fondamentale pour notre vie et notre survie. 

Notre société nous a amenés à développer de nombreuses industries. On parle de plus en plus des nouvelles technologies. De plus en plus de gens ont des emplois de bureau.

Avant, vivre à la campagne était souvent signe qu'on avait un emploi en lien avec le territoire ou la région dans laquelle on habitait. 

Aujourd'hui, avec l'avènement du télétravail, ce n'est vraiment plus aussi vrai qu'avant. Ça nous a permis une immense liberté, certes. J'aimerais toutefois souligner qu'il serait facile dans ces nouveaux paramètres sociaux d'oublier que pour que tout ceci soit possible, nos besoins de bases doivent être comblés. 

Et ça, ça veut dire avoir du pain sur la table, avoir de quoi se vêtir, etc. Rien de toute l'effervescence actuelle avec la technologie et les possibilités que cela nous offre (comme partir vivre à la campagne ou ailleurs dans le monde en télétravaillant) ne serait possible si nous n'avions pas à la base réussi à stabiliser les besoins de base. 

L'ingéniosité humaine peut se déployer à son plein potentiel seulement lorsque la base de la pyramide est bien stabilisée. 

Et qui fait en sorte que nous ayons le privilège de tenir cela pour acquis? 

Les agriculteurs. 

Ce sont eux qui s'occupent de nous nourrir, de nourrir les animaux qui nous nourrissent, de faire pousser les fibres qui nous vêtissent, et ainsi de suite. 

Comment se fait-il alors que ceux mêmes qui font en sorte que la société puisse s'élever à de nouveaux paliers de la pyramide et faire de l'humanité une civilisation qui puisse développer science, technologie et tout le tralala, se retrouvent eux-mêmes dans des conditions aussi pitoyables? 

Comme je le lisais dans un article du Mouton Noir, pour eux ce n'est pas du 9 à 5, c'est du 5 à 9h.

Et pour ceux et celles qui ne seraient pas familiers avec ce milieu, ce n'est absolument pas une exagération. Dans certains cas, c'est pire. 

Si seulement l'enjeu tournait seulement autour du nombre d'heures travaillées, la situation serait peut-être différente. Mais au-delà de l'épuisement et l'isolement social et géographique que provoque ce rythme de vie, ce qui ronge principalement la santé mentale des agriculteurs, c'est la pression financière. 

Comment se fait-il que dans une société d'abondance comme la nôtre où beaucoup d'entre nous sont prêts à payer des centaines des dollars pour un produit transformé de marque (produits cosmétiques, vêtements, objets pour la maison, etc.), ceux qui produisent la matière première pour pouvoir fabriquer ces mêmes objets soient à peine capables de générer des bénéfices?

Ce rapport complètement déséquilibré à la profitabilité (des produits transformés et vendus à hauts bénéfices vs la matière première à peine profitable pour ceux qui la produisent) n'est possible que parce que certains sont littéralement exploités pour faire ce qu'ils font pendant que d'autres profitent de cette exploitation. 

C'est vrai partout dans le monde, on le sait de plus en plus. Mais n'oublions pas que c'est aussi vrai ici, au Québec.

Et c'est aussi vrai pour la façon dont nous exploitons la Terre. 

Pour ramener ça à la mode, le constat est le même.

En Inde, les agriculteurs de coton se font promettre des miracles par ceux qui leur vendent des semences de coton OGM. Pourtant, les promesses ne sont pas au rendez-vous et l'achat des semences qui coûtent deux fois plus cher qu'une semence normale (et qui en plus doit être rachetée chaque année) entraîne les agriculteurs dans une spirale descendante. En 2009, c'était un suicide toutes les trente secondes chez les agriculteurs indiens. 

Encore une fois, comment se fait-il que ceux qui nous permettent de combler nos besoins de base se retrouvent eux-même dans une situation aussi déplorable?

Je n'aborderai pas de long en large dans cet article les voies de sortie, bien qu'il en existe de nombreuses. Je dédierai certainement un article complet à ce sujet.

Je terminerai toutefois en disant qu'une des façons de s'assurer un achat qui respecte les travailleurs est d'acheter des produits ayant une certification FairTrade, GOTS ou autre certification fiable. Attention, le monde des certifications peut-être facilement bafoué, donc j'invite à la prudence, et surtout à faire ses propres recherches. 

En guise de rappel, sachez que nos sous-vêtements sont entièrement fabriqués à partir de coton biologique sans OGM et de façon éthique au Pérou par de petits groupes d'agriculteurs justement rémunérés. Notre coton détient les certifications FairTrade, GOTS et USDA. 

En espérant que cet article puisse ouvrir la voie à des réflexions riches et développe notre sentiment de solidarité envers ceux qui produisent ce qui est essentiel à notre survie. 

 

Laurence Brongo-Dupont

Fondatrice de Laumara

 

(1) https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1139888/stress-anxiete-agriculteur-suicide-pression-milieu-agricole

Crédit photo : Pinterest

 


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